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14 Dec

Bénin/ 2016 ou la présidentielle des hommes d’affaires

Publié par Mireille Patricia Abié

Patrice Talon, le magnat du coton béninois et candidat à la présidentielle
Patrice Talon, le magnat du coton béninois et candidat à la présidentielle

Jusque-là faiseurs de roi avec leurs énormes moyens financiers, les opérateurs économiques béninois, pour la présidentielle du 28 février 2016, entendent changer de statut et aller un cran au dessus : devenir eux-mêmes roi.

En 2016, le Bénin, à l’instar de plusieurs pays d’Afrique, ira aux urnes pour désigner son président de la république. Cette élection présidentielle dont le premier tour est fixé au 28 février 2016 et le second tour, le 13 mars, s’avère un tournant décisif dans l’histoire politique du Bénin. Elle permettra d’inscrire un nouveau nom dans le livret des chefs d’Etat béninois. L’actuel président de la république, Dr Thomas Boni Yayi, dont le deuxième et dernier mandat constitutionnel vient à expiration le 6 avril 2016 ne pourra en effet être candidat à sa propre succession. Et ce, conformément aux dispositions de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 qui limite à deux, le nombre du président de la république.

Une cinquantaine de candidatures

Pour succéder au président Boni Yayi qui, il faut le rappeler, était sorti presque du néant pour se faire élire une première fois en 2006 sans anicroche, puis une seconde fois en 2011 par un improbable K.O dès le premier tour de la présidentielle, une cinquantaine de noms circulent. Au nombre de ces derniers, l’ancien premier ministre du régime du président Boni Yayi, Pascal Irénée Koupaki, l’ancien président de la Banque ouest-africaine de développement et candidat malheureux à la présidentielle de 2011, Abdoulaye Bio Tchané. Il y a également l’ancien intendant de l’armée et chef du cabinet militaire, le Général Robert Gbian. Le Franco-béninois Lionel Zinsou, neveu de l’ancien président de la république du Bénin, Emile Derlin Zinsou et actuel premier ministre du Bénin est aussi cité parmi les potentiels candidats à la présidentielle de février et mars 2016. A côté de ces candidatures qui compteront parmi les plus sérieuses, il y a celles des opérateurs économiques béninois. Notamment celles presqu’irréversibles de Patrice Guillaume Talon et de Sébastien Germain Ajavon.

La tunique de faiseurs de roi pour la couronne

Exilé à Paris dans la capitale française depuis 2012, Patrice Talon dont personne n’avait vu venir la candidature est, rappelons-le, celui qui a financé les deux victorieuses campagnes présidentielles de 2006 et 2011. Lors de sa première intervention sur sa probable candidature à la présidentielle de février et mars 2016, le magnat du coton béninois a tenté d’expliquer sa volonté de passer du statut de faiseur de roi à celui de roi parce que les rois qu’ils avaient faits n’ont pu satisfaire les espoirs que leurs avènements avaient suscités. Parlant par exemple de l’actuel chef de l’Etat Boni Yayi, son ancien « ami » qui l’a accusé d’avoir attenté à sa vie et d’essayer de renverser son régime par un coup d’Etat, Patrice Talon, le magnat du coton béninois a laissé entendre qu’il s’était trompé. Et ce, sur le choix en 2006 du président Boni Yayi alors président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) pour diriger le Bénin. Boni Yayi, il faut le rappeler, à plusieurs reprises a avoué qu’il « était un intrus » et qu’il ne connaissait pas la « maison ». En clair, le principal bras financier de l’actuel locataire du palais de la Marina- nom du palais de la présidence de la république du Bénin- aux dernières présidentielles, voudrait être lui-même candidat pour ne plus avoir à se tromper dans un quelconque casting.

Opérateur économique contre opérateur économique

La crainte de se tromper une nouvelle fois dans un quelconque choix de président n’est cependant pas la raison qui motiverait l’entrée dans la course à la succession du président Boni Yayi de l’autre opérateur économique : Sébastien Ajavon. Président du patronat béninois et un des premiers contributeurs nationaux, Sébastien Ajavon, selon des proches de l’opérateurs, n’avait pas prévu de prendre part lui-même à l’élection présidentielle. Mais c’est la probable candidature de Patrice Talon qui l’y a contraint. A l’analyse, on comprend alors que c’est contre la candidature du magnat du coton exilé à Paris que celle du président du patronat béninois se dresse.

Mais peu importe les raisons, cette double-candidature de Patrice Talon et de Sébastien Ajavon, deux faiseurs de roi, bien qu’elle ne soit anticonstitutionnelle, aura de conséquence négative sur le pays. C’est que pense le politologue béninois Mathias Hounkpè. « Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où il est plus que probable que la victoire éventuelle d’un homme d’affaires à la présidentielle de 2016 aura des conséquences nuisibles pour lui-même et pour la jeune démocratie béninoise. », avait analysé sur sa page facebook le politologue béninois, Mathias Hounkpè. « Il est très difficile d’imaginer comment un homme d’affaires pourrait gagner la présidentielle prochaine sans être automatiquement perçu par ses compatriotes comme ayant purement et simplement acheté sa victoire à coup de milliards de FCFA » a expliqué le politologue avant de poursuivre : De fait, la réalité crue est que ce qui fait que ces candidatures sont prises au sérieux, c’est essentiellement la surface financière de ces hommes d’affaires et le fait que par ce biais, ils « tiennent » tels ou tels acteurs politiques ». Pour Mathias Hounkpè donc, cette bataille annoncée entre opérateur économique qui au finish sera une bataille entre billets de banque, chéquiers et comptes bancaires, conduirait à l’élection d’un président certes légal mais pas légitime.

Mais légitime ou pas, les faiseurs de roi d’hier semblent bien décidés à avoir une couronne. Réussiront-ils à l’avoir ? Là est toute la difficulté.

Hervé Yao

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